samedi 30 août 2008

Vendredi du Vin #17 : Soif de Pierre et Vin de Jean-Philippe




Hé oui, déjà la 17ème édition des Vendredis du Vin...
Je m'étais juré de faire tout mon possible pour dorénavant ne plus en rater un seul. Une nouvelle fois, quelques énervés du clavier ET du tire-bouchon livreront leur interprétation singulière d'un thème commun.
Pour une fois que j'apprécie de me voir imposé quelque chose...
Ce mois-ci, et pendant que les rafles "aoutent" tranquillement, il est question de caillasse, ou plutôt de vin de cailloux.
Minéralité.
Subtils effets exercés sur un vin par un endroit, ou comment il est parfois permis au sol sur lequel la vigne repose d'apporter sa couleur à la toile, au point même de parfois prendre le dessus sur quoi que ce soit d'autre.
Plutôt que de choisir un flacon, j'ai d'abord cherché quelqu'un.
Le lyrique Jean-Philippe Padié s'est alors imposé à moi.
D'abord comme un jeune vigneron faisant partie de cette nouvelle vague du Roussillon qui cherche la fraicheur dans ce vignoble de Mercure, bichonnant une mosaïque de parcelles toutes en altitude.
Aussi parce qu'il est installé là où le nom du lieu est évocateur de notre sujet mensuel : Calce.

Un endroit des Pyrénées Orientales qui jadis faisait venir les Romains pour la qualité de sa craie, d'où une flagrante étymologie commune avec "calcaire", et qui maintenant brille déjà de quelques étoiles, montantes (Olivier Pithon) ou non (Gérard Gauby, de chez qui Jean-Philippe a été le chef de cave).
Je me suis naturellement mis d'accord sur une cuvée où notre homme a laissé la pierre entonner un refrain guttural, dans une région où les blancs n'ont pas souvent des caractéristiques aussi marquées : Fleur de Cailloux 2004, un pur grenache blanc.

Sur une combe où argile et calcaire dominent et assurent la trame rythmique, schistes noirs, marnes, silice et veines ferreuses jouent les solistes. Une flore tout aussi complexe y trouve son bonheur, comme pour rappeler que le terroir vaut pour tous.
Sur une base pareille, un rien de considération et de respect suffiraient à faire parler le caillou, car il s'exprime déjà avec panache dans ce paysage quasi désertique où la vigne soufre beaucoup.
Dès l'ouverture il faut guetter cette odeur fugace de craie, comme si Jean-Philippe en avait poudré un peu chaque col avant qu'il reçoive son bouchon.
Étonnant, le voyage a déjà commencé et je n'ai pas même entendu relever l'ancre.
Ensuite se déroule un tapis de fleurs anonymes, intense, complexe et vibrant.
En bouche s'exprime cette droiture qui pourrait faire penser à la posture d'un général inspectant ses troupes.
Une ligne franche, un coup de sabre sur la langue.
Juste de quoi tailler le lit d'un torrent impétueux et farouche, portant sur son dos des barges parfumées d'exotisme, des jonques aux arômes entêtants et balsamiques.
Ce même torrent semble couler ainsi jusqu'à la mer tant il persiste à l'intérieur de vous.
On entend souvent l'ancienne garde d'élite vigneronne (Hubert de Montille, Aubert de Villaine) faire l'éloge de la profondeur. Ici il me semble planer au-dessus d'un abyme insondable, et le vertige alors n'a plus rien d'effrayant.
Juste merci au vigneron amoureux de nous rappeler que la justesse du ton n'est pas incompatible avec la sincérité des paroles.

samedi 23 août 2008

La Quête du Vin

Il est parfois des livres dont on ne sort pas indemne.
Comme ce brûlot écrit par Pierre Paillard en 1996, lumineux éclairage sur un chemin de vérité parsemé de non-dits par les (très actifs) lobbies phytosanitaires.
Un état des lieux sans concession, au nom d'une tradition menacée embrassant d'un regard courroucé le paysage d'un réveil français douloureux et soudain.
Une relecture alchimique des forces qui président à la transformation du raisin (matière naturelle) en vin (matière spiritualisée).

L'on y apprend comment l'agriculture biologique a perdu son pari face à l'ogre marchand d'illusions et de poisons, cédant peu à peu du terrain à coups de maladies dégénérescentes de la vigne.
L'on y perçoit une lueur d'espoir à la mention de quelques paysans-vignerons et résistants et à celle des effets chaque jour plus probants de la biodynamie sur l'écosystème qu'ils s'attachent à (re)créer.
Une porte s'ouvre sur l'éventualité de pouvoir désormais mesurer la qualité alimentaire au travers d'un dossier très complet sur les cristallisations sensibles, grâce au travail acharné de quelques scientifiques indépendants (Margaret Aussenac, Marie-Françoise Tesson).
Et même si Pierre pose aujourd'hui sur son œuvre un regard sévère, lui reprochant un discours vengeur excessif et inutile, il n'en demeure pas moins un de mes livres de chevet.
Publié à compte d'auteur, cet ouvrage est désormais assez difficile à trouver.
Par ailleurs, Pierre est également le créateur du défunt Club du Vin Authentique, et n'en est pas moins prolifique sur son site internet, où figurent bien des références diverses pour qui souhaiterait prolonger son temps de lecture.

jeudi 21 août 2008

Les Vendredis de Bacchus ne sont plus

Chers amis, je suis heureux de vous retrouver ici.
Mon ancien gîte, même s'il m'a redu bien des services, ne me satisfait plus.
Donc j'ai changé de crèmerie, et posé mes valises ici pour un temps.
Ici, vous aurez au moins la possibilité de poster vos commentaires sans avoir à vous inscrire où que ce soit. Entre autres choses plus commodes pour vous, comme pour moi.
D'ici peu, vous y trouverez le compte-rendu d'un entretien avec Martine et Jean Donnay de la distillerie Crec'h ar Fur de Pleubian, dans les Côtes d'Armor, une maison discrète qui produit des whiskies merveilleux de finesse et d'intelligence.

Accord et à cri



Ma chère Vanessa, bloggueuse invétérée au service d'une gastronomie ébouriffante, me sollicite parfois pour lui trouver le soulier de vair qui sierrait au mieux à une de ses recettes.
Ici, nous parlons d'un filet mignon de veau à la fleur de coriandre et gruau de blé.
Pour ménager la tendresse (et la tendreté) de cette délicate pépite gustative, je me suis donc mis en quête d'un vin de dentelle, pour ne pas dire de mouchoir.
Parmi ceux-là, il m'a paru approprié de chercher dans les grands cabernets francs de l'appellation Saumur Champigny, avec la cuvée Amatéüs de chez Sébastien Bobinet, et sur le millésime 2006.
Fraîcheur et délicatesse dans un corps longiligne et ferme de danseuse étoile, c'est un bouquet d'iris frais dans une jupe bombée de velours, qui répond à la cantonnade à la (fausse) légèreté du plat.

A signaler : le JT de 13h de JPP, tentant vainement de s'acheter une conduite, a signé un sujet sur le Saumur Champigny le 28 aout dernier. On peut y voir les vignes murées du Clos Cristal (en bio également), ainsi que la cave cathédrale où Sébastien vinifie et élève. Se caler entre 32'40" et 35'50".