vendredi 5 juillet 2013

Yargla!


Cri rageur, pulsion irrépressible et séminale, ce yargla-là est un aboiement primitif du coeur (un clin d'oeil appuyé à monsieur Gotlieb aussi). C'est officiel, il y aura un été en 2012, et ça commence aujourd'hui!

Il apporte avec lui son lot de friandises alternatives sélectionnées par votre dévoué caviste. Comme vous pourrez le constater par vous-mêmes mesdemoiselles-mesdames-messieurs dans les lignes qui suivent, sa générosité n'a semble t-il aucune limite:

D'Occitanie nous provient la cuvée les Branquignols 2012 du domaine de la Femme allongée en Saint Chinian (n'y voyez rien de salace, ce curieux nom puisant son origine d'une vieille légende racontant qu'au terme de sa vie la fille d'un titan se prénommant Cébenna s'étira de tout son long sur le sol et se pétrifia, ainsi naquit dit-on le massif des Cévennes, CQFD). Il s'agit d'un assemblage un rien taquin de mourvèdre, grenache, carignan et syrah, exhausteur de plaisirs grillés, exterminateur pugnace de morosité et grand manitou de la merguez à point. Attention de bien sortir la merguez de compétition, celle qui tient tête aux braises les plus infernales en conservant fièrement sa taille initiale, réalisée avec amour par un charcutier assermenté, car seule celle-ci saura croiser le fer avec ces jeunes et fougueux branquignols! (boutade à l'attention des 3 fils qui gèrent désormais le domaine)
Du sud ouest nous arrive un nouveau cahors travaillé sur la dentelle (et donc relativement loin des habituels pachydermes tanniques et trapus fréquents dans cette appellation), le Chambert Gourmand 2008 du château éponyme. Bio-très-dynamique, il domptera avec compétence et précision la côte juteuse d'un boeuf retors ou ces brochettes d'agneau à l'indienne qui ne cessent de vous lancer de coquines œillades depuis qu'il fait beau.
Après ces deux brèves mais essentielles escapades en terres méridionales dans le sens large du terme, il est parfois bon de revenir aux fondamentaux géographiques et notamment vers ces vignobles que nous avons le bonheur d'avoir si près de nous.
La douceur angevine d'abord, ici représentée par un rosé moëlleux au puissant pouvoir fédérateur aussi joliment que simplement nommé La Rose (du domaine FL), dont il serait largement trompeur de penser qu'il ne saurait satisfaire que le beau sexe... Bien au contraire, la mignonne comme le mignon seront ainsi réconciliés à jamais. Ou en tout cas jusqu'à la fin de la bouteille.
Dans son sillage, je vous annonce la résurrection de quelques vieux flacons de chenin sur schistes, félins sveltes et puissants, tels ces Bergères et autres Pépinières dont vous découvrirez les charmes brûlants des années 1999 ou encore 2003. Voire pour les chanceux, une découverte crypto-oenologique en provenance des Bonnes Blanches à rendre baba, égoïstement baptisée par son géniteur TPMG (pour ceux qui n'ont pas encore une parfaite maîtrise du jargon vigneron: Tout Pour Ma G*eule). Une barrique unique dont quelques bouteilles seulement ont franchi l'espace-temps jusqu'à votre échoppe montbazonnaise. Oui oui rien que ça.
À l'est de ces contrées à la géologie torturée, une fois un exceptionnel saut de puce effectué au-dessus de cette douce Touraine que je ne délaisse ici que pour un temps, nous attend le pays des surprises. L'autre Touraine, trop souvent boudée mais si délicieuse, ce Loir et Cher qui m'est cher.
L'antique magicien Michel Augé réalise à Pouillé (domaine des Maisons Brûlées), dans un écrin verdoyant injustement boudé par Google Earth, à un jet de pierre d'un célèbre zoo, de petits miracles liquides. Le Herdeleau 2010, rouge qui pinote et gamayte et qu'une pointe d'Aunis assaisonne, est un vin dense et plein de sève, construit pour durer mais que les tanins poudrés d'aujourd'hui destinent à des plaisirs carnés (je n'ai pas dit charnels, sacripants que vous êtes). Son Vin de Voile 2005, quant à lui, déclame à la face du monde quelques vers oxydatifs dignes de figurer au grand Panthéon du Vin Jaune jurassique. Fort de cet insolite et nouveau visage, ce sauvignon-de-la-vallée-du-Cher (qu'on a bien tort de croire connaître à fond) nous livre un nez surprenant d'eucalyptus frais, une bouche saline aux saveurs caramélisées sur une longueur que la distance Terre-Lune ferait passer pour une balade dominicale. Avis aux amateurs de noble oxydation, vous avez là un "candidat" qui s'est lentement patiné dans le bois durant presque 7 ans...
Le 41 ne s'arrête pas là, il a de la ressource même.
Au domaine de Bellevue, à Noyers sur Cher, on trouve parfois d'autres pépites que les lumineux galets de silex dans les profondeurs du sous-sol. Ici le sable est roi, la partition est complémentaire avec celle de Pouillé. D'ici est tiré ce juteux rosé, versant plus simple de la Rose citée plus haut mais boxant malgré tout dans la même catégorie sans en avoir l'ambition. Bouteille prolétaire dans un sens noble, mariage pour tous et multiple de gamay, cabernets, pineau d'Aunis et côt, une rasade de 75cl à tremper dans l'étang en attendant cette grosse carpe dont on rêve depuis l'enfance. Presque un rosé contre les coups de soleil et les fringales, et sûrement un vin pour se faire des amis.
C'est au tour des terres de Cheverny de livrer leur essence dans l'ombre d'un château de marin buveur de whisky (nous y reviendrons). Vous vous rappelez Michel Quenioux (domaine de Veilloux), dont quatre cuvées déjà au printemps ornaient mes étagères. La même engeance que le magicien de Pouillé, le même désir profond de faire sortir d'une terre muette la réalité d'un lieu singulier. Le pendule affûté toujours planqué dans la poche et prêt à servir, cet autre Michel est peut-être aussi sorcier car après tout la Sologne alentour est demeurée mystérieuse. La cuvée Argilo, qui se décline en blanc et en rouge, c'est la bouteille du dimanche, celle de la belle cuisine. Ce sont précisément ces deux-là qui font oublier la marque du stylo plume en illustrant le verbe de l'auteur autant que l'inspiration qui le traverse. Et comme un récit peut captiver, Argilo peut tenir en haleine dès la première gorgée... Je suis sûr que vous avez connu des sorts bien pires que celui-ci.
Dernière étape de ce tour de la parente pauvre de la Touraine, Monthou sur Cher, près de Thésée. 
Olivier Bellanger est un de ces jeunes et insolents talents qui sévissent dans les parages. Le bien-nommé lieu-dit la Piffaudière lui sert de repaire, il y transforme les vendanges de ses parcelles en mosaïque dans la plus pure tradition viticole et je vous le dis tout de go, cet homme est à marquer à la culotte.
Pour ses blancs d'abord, son sauvignon 2012 au nez frais de pêche d'amour, ses contours plantureux bien qu'acidulés s'étirant longuement sur une verveine désaltérante à souhait... Le Clos 2011, réunissant dans la même gangue sauvignon, chenin et le discret menu pineau, avec son nez "qui appelle le fromage de chèvre", sa bouche complexe, minérale, saline et sa finale salivante et longue... Notez, les rouges ne sont pas en reste avec Toucheronde 2011, associant le gamay au fringant pineau d'Aunis à qui il doit son nez de poivre et de fleurs capiteuses, sa texture juteuse et son "joli grain".
Les Dents Rouges 2011 est quant à lui un hommage vibrant au cépage côt si fréquent dans cette zone même si nombreux n'ont pas cette finesse ni cet équilibre, entre fraîcheur et onctuosité, où s'entrelacent des notes légèrement fumées.

Et voilà pour le raisin!

Reste maintenant à vous présenter, en guise de "cerise sur le pudding", la dernière trouvaille en date, un joyeux triptyque écossais distillé sur le thème de la "petite grenouille". 
En effet, Little Frog n'est pas un alcool douteux à base de batracien macéré mais bien une allusion à peine dissimulée à la petite touche frenchie apportée à l'élaboration précautionneuse de ce trio délectable de whiskies 100% pur grain.
Le Little Frog "classique" annonce la couleur au travers de ses notes gourmandes de brioche viennoise et de vieux meubles fraîchement cirés tout droit sortis de chez un antiquaire maniaque. En bouche c'est parfaitement équilibré, des arômes associant miel et menthol assurant à l'ensemble une belle fraîcheur malgré les 43°. 
Le "middle brother" (le cadet si vous préférez) c'est Little Frog "50/50", malt et grain en proportions égales, pour un résultat associant épices (vanille), fruits (poire, noix), fleurs (violette) et notes végétales (foin) finissant harmonieusement sur une pointe de tourbe bienvenue délicatement engoncée dans un corset de velours.
Last but not least, le Little Frog à l'épithète évocateur "Rum Finish" ne cache pas sa double ascendance et rend comme il se doit hommage au rhum qui l'a un temps hébergé dans une de ses barriques (1 an pour être tout à fait exact, en sus des 5 années passées en fût de bourbon). Comme de bien entendu, ça change un peu la donne et pour continuer dans les anglicismes c'est un parfait cross over qui réconciliera les amateurs de l'une (l'orge) et de l'autre (la canne à sucre) au point même qu'il en laissera plus d'un perplexe dès lors qu'il s'agit de précisément savoir ce que c'est. C'est très aromatique (trop diront certains?), mais quiconque s'acoquine des Antilles hérite forcément de son gazouillement aussi coloré qu'expansif. Caramel, beurre frais, biscuits au gingembre, ananas, un pont olfactif entre Dundee et Marie-Galante occupe désormais le terrain des sensations, mais c'est la beauté sauvage des Highlands qui finit par l'emporter dans une bourrade amicale qui "remet [même si c'est délicatement] le facteur sur le vélo".

Conscient d'avoir poussé la description autant que le lecteur dans ses derniers retranchements, et pour célébrer l'ardeur nouvelle d'un soleil décidé à briller pour de bon, quiconque passera par ici demain samedi entendra sauter quelques bouchons.
Plus prosaïquement, voici ce que vous pourrez déguster demain:
Les Branquignols 2012, Chambert Gourmand 2008, La Rose FL 2011, Bergères 1999, Bellevue rosé demi-sec 2012, et la famille Little Frog

Je vous aime bien alors c'est normal que je vous chouchoute.

Laurent, caviste thaumaturge

Le Feu à la Cave
47 rue Nationale
37250 Montbazon
Ouvert du mardi au samedi 10h-12h30 et 15h-19h
Membre fondateur et actif de la secte des 
Cavistes Alternatifs de France
Recommandation (chaude) 2013 du Bottin Gourmand
Coup de coeur de la Revue du Vin de France depuis 2008 (j'avoue, pour celle-là j'ai hésité)