mercredi 10 septembre 2008

Le Wine Spectator reçoit un coup de secator...


J'en avais déjà brièvement entendu parler il y a quelques semaines, mais le buzz international incroyable que l'affaire provoque ne cesse de me ravir... Le prestigieux magazine et éditeur de guides "des meilleurs amis" le Wine Spectator, l'équivalent yankee (tout aussi partial et dépendant de ses annonceurs) de notre caricaturale Revue du Vin de France (le papier-toilette le plus cher du marché!), vient de se faire épingler par un confrère religieux vinothéiste pourtant du même ordre, le journaliste Robin Goldstein, lui même éditeur du guide à succès The Wine Trials.
Le bonhomme, attaché de longue date à réduire en bouillie le mythe du Grand Cru qui alimente tant de fantasmes (souvent inassouvis par ailleurs), a eu l'idée de mettre en exergue les mécanismes mercantilistes qui se cachent derrière les pléthoriques "sélections" du magazine. Comment? En inventant de toute pièce un restaurant italien pour ensuite le faire concourir aux prestigieux "Awards of Excellence" qu'il décerne chaque année pour distinguer les restaurants mettant le mieux en valeur sur leur carte des flacons de haute volée. Pour ce faire, il a simplement créé ex nihilo un site web destiné à présenter l'établissement (un modeste blog comme le mien, rien de plus), ainsi qu'une ligne téléphonique au bout de laquelle un répondeur précise que le restaurant (l'Osteria l'Intrepido) ouvrira bientôt ses porte à Milan. Il lui a ensuite suffi d'expédier les affaires courantes (participation de 250$, lettre de candidature, copie du menu et de la carte des vins), et d'attendre que le gros poisson morde au petit hameçon.
L'auteur de cette supercherie n'en attendait pas tant, lorsqu'il apprit que non seulement son restaurant imaginaire avait retenu l'attention des journalistes du Wine Spectator, mais qu'en sus il avait remporté la plus haute distinction en raflant au nez et à la barbe de ses "vrais" concurrents le sacrosaint Award of Excellence!
On peut dès lors s'interroger sur l'objectivité de ces grosses machines de l'information, spécialisée ou non, car rien du travail journalistique que chacun est en droit d'attendre de la part d'une revue "professionnelle" n'a été accompli. Aucun message sur le répondeur, aucun e-mail, et encore moins de déplacement pour vérifier l'exactitude des informations transmises (et pourtant on sait ô combien les prétendants à cette distinction sont capables d'embellir sur la toile une réalité locale bien moindre en intégrant à leur carte des vins des références intouchables, s'attirant ainsi la considération des professionnels qui savent à quel point il est difficile de se les procurer). Google (et son concurrent indigène Chowhound), un répondeur, un blog (et 3 heures de travail pas plus dixit Robin Goldstein) auront donc aisément suffi à tromper l'ennemi.
Mais le meilleur ne vient qu'ensuite, même si on peut me prêter l'intention nocive de "tirer sur l'ambulance", car la carte des vins communiquée au WS avait été truffée de vins décriés par le magazine depuis de longues années!
Peu après la remise du prix par Contumace, un message sur le répondeur (que la rigueur de notre détective a même poussé à enregistrer, et restituer au format mp3 sur son blog) ouvre une nouvelle perspective sur l'affaire, puisqu'il a pour objet (outre des félicitations sommaires) de proposer au pseudo restaurateur un espace publicitaire dans les pages du prochain numéro, moyennant la coquette somme de 3000$...
Une offre à ne pas manquer vous vous en doutez bien, mais que notre Sherlock es vino s'est pourtant bien gardé d'accepter.

3 commentaires:

  1. Goldstein a tout de même travaillé fort pour attraper le Wine Spectator. Et il n'a pas été vraiment explicite sur les méthodes employées: l'histoire du répondeur où un message souhaitait bienvenu au restaurant en question, il n'en a pas vraiment parlé en présentant son "bon coup". De plus, il a négligé de dire qu'il avait "planté" de fausses critiques du resto sur Chowhound. Ces détails, c'est par Wine Spectator qu'on les a appris. Ça s'appelle une arnaque.

    Wine Spectator n'a pas été d'une rigueur très poussée, mais à mon sens, ils ont travaillé de bonne foi. Alors que Goldstein a été de très, très mauvaise foi.

    À noter que, si Wine Spectator a reconnu s'être planté et a annoncé que les critères seraient resserrés, Goldstein s'est muré dans le silence le plus complet. Des courriels envoyés à son adresse et demandant des explications, et des questions nombreuses posées dans les commentaires à son article sont restés sans réponse. Et ça fait un mois. Pour un parangon de rigueur et de probité, il n'est pas très disposé à s'expliquer...

    Goldstein a eu son coup de pub, et tant pis pour lui. Mais il ne faudrait pas oublier de garder une ou deux pierres à jeter sur lui, tandis qu'on prend plaisir à se payer la tronche de Wine Spec.

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  2. Là, c'est moi qui doit faire amende honorable. Goldstein a ajouté à son propos de départ le 31 août. Comment j'ai fait pour manquer ça? Je sais pas.

    Ses réponses restent toutefois relativement incomplètes et pas vraiment satisfaisantes à mon avis. Pourquoi ne pas avoir expliqué clairement, dès le départ, les moyens utilisés pour tromper WS? Disons qu'il aurait pu, lui aussi, avoir des standards plus élevés.

    Et pour ce qui est du caractère publicitaire de l'opération, est-ce que quelqu'un est vraiment surpris?

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  3. mais dites donc jeune homme, on ne vous arrête plus. et votre plume n'a d'égal que votre ramage : vous êtes le Tintin de l'investigation journalistico-vineuse, la Fontaine de ces caves, le Proust des madeleines et j'en passe encore et encore
    Bon c'est pas l'tout mon p'tit gars mais faut que j'me prépare pour dimanche ! allez, on s'en jette un à l'occasion

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